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Lost in Management
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8 mai 2008

Chronique du changement

« Nous étions les guépards, les lions, ceux qui les remplaceront seront les chacals, les hyènes, et tous, tant que nous sommes, guépards, lions, chacals ou brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la terre. » Le prince Salina, dans Le Guépard

Chronique inactuelle…

Rappelez-vous Le Guépard de Visconti. En 1860, tandis que la Sicile est submergée par les bouleversements de Garibaldi et de ses Chemises Rouges, le prince Salina (Burt Lancaster) voit inexorablement son monde s’effriter sous ses yeux. Sentant que les choses ne seront plus jamais comme avant, il prend le parti de s’accommoder de cet état de fait en encourageant le mariage de son neveu Tancrède (Alain Delon) avec Angelica, la fille (Claudia Cardinale) du maire de la ville, un bourgeois représentant la classe montante. Dans la longue scène de bal (1) qui clôt le film, symbole admirable d’une classe qui se pare de ses plus beaux atours pour accueillir en son sein ses plus fervents adversaires, Tancrède dit à son oncle, aristocrate désabusé mais lucide : « pour que rien ne change, il faut que tout change ».

Cette célèbre citation ne fait pas, malgré les apparences, l’apologie de l’immobilisme ou du laisser-aller. Plus subtilement, et en bon pragmatique qu’il est, Tancrède prône le changement voulu contre le changement subi : si l’aristocratie sicilienne ne change pas, elle disparaitra. Le Guépard est l’histoire de cette Sicile, en pleine mutation, encore hésitante entre un ordre ancien et un nouvel ordre.

… du changement…

Le Guépard peut être regardé comme une métaphore du changement. Le changement est certes perturbant car il bouleverse l’ordre des choses que l’on croit immuable. Mais s’il crée des menaces (la révolution !), il crée aussi, et surtout, des opportunités (la réussite éclatante de la famille d’Angelica).

Le monde d’aujourd’hui change aussi, et même plus vite que celui de la Sicile. Les acteurs du changement ne portent pas que des chemises rouges. Plus diversifiés, plus coloriés, plus bariolés, ils n’en sont pas moins redoutables.

Le changement d’environnement a des vertus. Il fait évoluer le prince Salina qui, de lui-même, n’aurait peut-être pas changé. Il aurait sans-doute marié son neveu préféré à Concetta Salina, sa fille. Secrètement amoureuse de son cousin, mais naïve et soumise, elle est le symbole de la décadence et du repli sur soi. Pour elle, rien ne doit changer. Au risque de disparaitre progressivement. Nous, aussi, chacun dans nos vies, privées ou professionnelles, nous devons faire le choix d’Angelica, la sensuelle, l’animale, contre Concetta, la renfrognée à la triste figure. Le choix de l’ambition et du développement contre l’immobilisme. Pour la France, c’est le changement ou le déclin. Pour une entreprise, c’est le changement ou la perte de part de marché. Pour un individu, c’est le changement ou le repli sur soi.

… paradoxal

Le monde change … et nous faisons plus que simplement nous adapter : celui qui s’adapte au monde qui change et aussi créateur de ce monde, d’une partie de son monde à lui. Le monde change, et en nous adaptant, nous changeons, nous nous changeons et nous changeons aussi le monde. C’est le cercle vertueux du changement, sa réflexivité créatrice. Nous avons tous vocation à jouer le rôle de Tancrède, faisant évoluer son monde et, par là-même, le monde. Pour cela, pas besoin de porter une chemise rouge. Il suffit juste de s’inspirer de Tancrède : tourner ses yeux vers le futur et bien choisir ses partenaires (Angelica plutôt que Concetta) en restant joyeux et plein d’esprit. Le secret de Tancrède est aussi le secret du changement réussi : pour changer, il faut d’abord rester soi-même.

Sarkozy, pour ne prendre que cet exemple d’actualité, en est une bonne illustration. Ces réformes passent mal, sa communication passe mal car il a trop changé lui-même. Oscillant entre le « bling-bling » et la solennité présidentielle, entre le sarko tsar et le sarko star, il se perd lui-même entre tous ses personnages. Le président de la république, comme un dirigeant d’entreprise ou un simple individu, ne peut pas changer de personnalités, de personnages, sans que cela n’ait un impact sur sa crédibilité. Et sans confiance, pas de changement réussi.

Pour changer, il faut savoir ce à quoi on tient le plus soi-même. Pour changer, il faut d’abord s’accorder sur ce qui ne changera pas. L’acteur du changement sera d’autant plus efficace et crédible qu’il sera porteur d’une certaine stabilité… dans le changement. Cela peut être une vision (le leader qui sait où il va et qui la fait partager) ou un trait de caractère (la ténacité du capitaine de vaisseau dans la tempête). Peu importe. A chacun son style. A chacun son changement.

Changer, c’est une question de survie, et une question de vie. Changer pour changer, non.

Vincent Toche

Never be Lost In Management !

                                                                                                           

(1)  Retrouver de nombreux extraits du film, dont la scène du bal, sur «youtube»

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