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Lost in Management
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27 janvier 2008

SocGen : l’homme au cœur de l’entreprise ?

Le scandale de la Société Générale est énorme, « extraordinaire » selon les termes utilisés par Daniel Bouton dans sa lettre aux actionnaires. Il n’est pas utile de sur-commenter cette affaire, dont on ne connait pas tous les arcanes. En revanche, elle éclaire d’une manière originale la gestion des ressources humaines des entreprises modernes.

Faille dans les procédures ? 

Lisons Bouton dans le texte : « les quelques interstices dans nos procédures à travers desquels le fraudeur a pu se glisser ont été identifiés et comblés ». C’est l’argument classique : les procédures sont toujours imparfaites, et l’homme aussi. La nature humaine aidant, l’imperfection des unes favorise la malignité de l’autre. Cela dit, remarquons que le jeune Jérôme Kerviel, 31 ans, a réussi à repérer des « interstices » et à s’y « glisser ». Pour un collaborateur isolé, il n’est pas manchot. 

Faille du recrutement ?

Dans la presse (toujours bien informé ?), ont dit que ce trader a d’abord été recruté dans le Back Office et qu’il était très bon. Bonne maîtrise des systèmes d’information, bonne connaissance des …procédures. Bref, un bon recrutement. Un bon potentiel. A suivre, donc. Voire à promouvoir.

Faille de la mobilité interne ?

"Il a acheté quand le marché baissait et vendu quand ça montait. Tout à l'envers !", explique un opérateur au journal Le Monde. Jérôme Kerviel était un trader qui intervenait sur les marchés dérivés d’actions – options, contrats à terme – sur les indices européens, à fort effet de levier. C’est l’effet de levier, en accentuant les écarts positifs ou négatifs, qui, conjugué à la forte baisse des marchés, explique les pertes accumulées. Ainsi, des ordres passés pour un montant d’environ 48 milliards d'euros ont généré in fine, après déblocage des positions, une perte de 4,9 milliards pour la Générale. Une autre source, le quotidien Libération, nous apprend qu’il gagnait 100 000€, ce qui, pour un trader, n’est pas énorme. On peut donc légitimement se demander si Jérôme Kerviel était « the right man in the right place ». Il serait intéressant de savoir qui a demandé ce transfert, cette mobilité interne : lui ou la Société Générale ? Car les profils « Back Office » et « salles de marché » ne sont pas forcément les mêmes. Kerviel a utilisé sa maîtrise du Back Office (« des techniques extrêmement sophistiquées et variées » reconnait Bouton) pour masquer ses faiblesses en trading. Dépassé par les événements, Kerviel aurait-il finalement dépassé les bornes ?

Faille de l’«empowerment» ?

"Quelqu'un a construit une entreprise dissimulée dans notre salle de marchés, une entreprise dans l'entreprise", a déclaré M. Bouton.  L’entreprise dans l’entreprise ? Belle définition du concept d’empowerment. Terme anglais, peu traduisible en français (les mots autonomisation ou, pire, capacitation, sont insatisfaisants et …laids), l’empowerment est une notion à la mode dans le monde de l’entreprise. De manière générale, il s’agit de la prise en charge de l'individu par lui-même, que cela soit d’un point de vue économique, professionnel, familial ou social. Dans l’entreprise, l'empowerment, comme son nom l'indique, est le processus d'acquisition d'un «pouvoir» (power), d’une autonomie, qui n’existe pas à l’origine, qui n’est en tous cas ni donnée, ni octroyée. L’Empowerment c’est, en paraphrasant Bouton, le pouvoir dans le pouvoir. La personne autonome, « empowered », est une force pour l’entreprise. L’individu n’a plus besoin qu’une quelconque autorité lui dise ce qu’il doit faire. Il le sait. Il sait prendre une décision, seul. Il sait accéder à l’information utile, seul. Il sait faire les bons choix, seul. Il sait influencer ou convaincre ses autres collègues, seul. Il sait évoluer dans des environnements complexes, seul. Il sait prendre des initiatives, seul. Jérôme Kerviel est cet individu. Empowered, il sait. Il sait bien faire. Il sait mal faire. Il sait faire comme il sait défaire. En un mot, il a le pouvoir.

Que conclure ?

Il faut responsabiliser les employés, nous dit la gestion moderne des Ressources Humaines. C’est ce que signifie l’ambition de l’empowerment, qui permet à l’individu d’être plus responsable, plus responsabilisé, plus motivé. Et qui permet à l’entreprise, en retour, d’être globalement plus performante.

Mauvaise nouvelle : l’homme est au cœur de l’entreprise. Il peut faire perdre 5 milliards d’euros. Bonne nouvelle : l’homme est au cœur de l’entreprise. Il peut faire gagner à l’entreprise 5 milliards d’euros. C’est pourquoi il est difficile de croire Christian Noyer quand il dit que "cette affaire est réglée". Daniel Bouton est aussi peut crédible quand il déclare que les interstices dans les procédures ont été « comblés ». Les procédures pourront toujours être renforcées (et dans le cas de la Société Générale, elles doivent l’être !), il existera toujours des Jérôme Kerviel pour les contourner. Et pour nous rappeler que l’homme est au cœur de l’entreprise. Pour le bien de l’entreprise. Pour le bien de l’homme. Pour le bien et … son contraire.

Vincent Toche

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